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Culturellement différente du reste de la Colombie, Carthagène occupe depuis longtemps une place à part. Ici, comme dans les îles voisines des Caraïbes, on boit du rhum plutôt que de l’aguardiente, on écoute du reggaeton, on joue au base-ball et on danse la salsa toute la nuit. Les places publiques et les clochers de Carthagène, qui reflètent les richesses de la navigation maritime et la diversité des grands ports, ont été décrits de manière poétique par Gabriel García Márquez, prix Nobel de littérature et enfant du pays. Le charme éthéré de l’endroit a peut-être contribué au «réalisme magique», ce style emblématique de l’auteur qui s’inspire de la ville. Si je me trouve ici, c’est pour profiter des trésors qu’offre la vieille ville, mais aussi de ceux de la nouvelle, qui se trouve juste de l’autre côté de la baie.
Castillo San Felipe de Barajas
Il y a quelques siècles, cette ville côtière avait un sérieux problème: les pirates. Comme elle servait d’étape dans le transport des richesses de l’Amérique du Sud (l’argent du Pérou et de la Bolivie, les émeraudes de la Colombie), Cartagena de Indias a bien profité de cette abondance… mais elle est aussi devenue irrésistible pour les flibustiers comme Francis Drake ou Henry Morgan. C’est pourquoi les Espagnols ont construit le Castillo San Felipe, l’une des plus imposantes forteresses de l’ère coloniale espagnole, dont les fondations ont été posées en 1536.
Même en ruine, cet immense bâtiment fait de blocs de corail récupérés domine toujours le paysage et la mer du haut de son promontoire, la colline San Lazaro. Je chemine vers le sommet, explorant tout d’abord le réseau interne de la forteresse, véritable labyrinthe de tunnels et de pièces sombres dont certaines servaient autrefois à entreposer des trésors. Puis, j’émerge à l’extérieur, grimpant les marches érodées par les pas des soldats, des pirates ou des touristes qui y sont montés au fil des siècles. Sous la chaleur humide des Caraïbes, je m’éponge le front avant d’arriver devant une rangée de 63 canons pointés vers des envahisseurs qui ne viendront plus. Je profite enfin d’une vue panoramique sur la ville. D’un côté, je peux contempler le centre historique de Carthagène, inscrit par l’UNESCO au patrimoine mondial de l’humanité.
De l’autre, c’est un vaste paysage latin typique, qui me rappelle Miami ou Panama City: un grand croissant de plage le long duquel s’alignent de hauts gratte-ciels blancs faits de verre et d’acier, qui absorbent le soleil et reflètent la mer. Au sommet de la plus grande redoute de la ville, je me trouve entre deux mondes.
Plaza de Bolivar
Je commence ma visite à l’intérieur des murs. Au cœur du Centro se trouve la Plaza de Bolivar, aussi connue sous le nom de Plaza Mayor. Simon Bolivar, dont elle porte le nom, est immortalisé ici par une statue équestre triomphante. À ses pieds, des artistes vendent leurs œuvres, des gens nourrissent les pigeons et des touristes prennent des photos dans des calèches tirées par des chevaux dont les sabots claquent sur les pavés. J’ai fait le détour pour voir un banc célèbre: celui où García Márquez a passé sa première nuit en ville, en 1948. Jeune homme alors inconnu, il venait d’arriver avec seulement quatre pesos en poche et les vêtements qu’il avait sur le dos. Toutes ses autres possessions avaient été perdues dans l’incendie d’une auberge à Bogotá. Avant que le jour se lève, la police l’avait arrêté pour violation du couvre-feu et lui avait fait passer le reste de la nuit en prison.
Bocagrande
Ce square, comme bien d’autres endroits romantiques de la ville, est évoqué dans certaines des plus grandes œuvres de García Márquez, dont L’amour au temps du choléra. Les mots de l’auteur traînent dans ma tête tandis que je négocie les ruelles sombres jusqu’à un square où plane l’odeur des bougainvilliers. Je m’attable pour manger des fruits de mer frais avant de déguster un rhum en regardant le soleil se coucher sur les murs de la vieille ville, mêlé aux gens de la place qui profitent des dernières lueurs du jour tropical. Je vais magasiner à Las Bóvedas, une série de boutiques installées dans 23 anciens donjons construits par les Espagnols au 18e siècle. Puis, au Palais de l’Inquisition, je m’instruis sur tous ceux qui furent condamnés pour pratique de la sorcellerie.
Malgré son histoire sombre, cet édifice historique est l’un des plus beaux de la ville. Toujours empreint du charme de la vieille ville, je décide de m’aventurer hors de ses murs. Il est temps d’aller voir la mer de près. Avec les gratte-ciels blancs comme toile de fond, la plage de Bocagrande est envahie par les baigneurs et les adeptes du bronzage dès que le soleil se montre… ce qui, à Carthagène, veut dire presque tous les jours! À seulement 15 minutes de marche de la vieille ville, j’ai l’impression de me retrouver dans une cité complètement différente, qui semble avoir été conçue à l’époque de Miami Vice.
Après avoir pris du soleil sur le sable de Bocagrande, je mange un ceviche à un petit comptoir en bord de mer. La brise salée me caresse le visage, mon regard se perd dans la beauté de l’océan. J’ai l’impression d’être au paradis, et pourtant je suis à deux pas d’un centre-ville dynamique. Un rhum sur glace à portée de la main, je me fais offrir des poissons parmi les plus frais des Caraïbes. Je prends le temps de bien goûter Carthagène, qui offre un accord parfait entre l’ancienne Colombie et la nouvelle. Plus tard, j’irai faire quelques pas de salsa dans l’une des boîtes de nuit de la ville nouvelle, juste à l’extérieur de la porte de l’Horloge. Puis, je franchirai de nouveau la porte et je suivrai les rues pavées pour aller me coucher dans un petit hôtel historique datant du 17e siècle.
Mais pour le moment, il me semble que je pourrais rester ici pour toujours.