En descendant l’escalier de pierre qui mène à la cave du palais de Dioclétien à Split, en Croatie, je jurerais entendre les grondements d’un dragon. Après tout, je me trouve dans les catacombes de Meereen, l’endroit où Daenerys, la Mère des dragons, garde ses trois «animaux de compagnie» : d’énormes lézards volants qui crachent le feu et ne répondent qu’à elle. Sans les dragons et les loups géants, je me rends vite compte que la réalité côtoie la fiction en Croatie avec Game of Thrones.
Les connaisseurs d’histoire savent bien que ce palais du IVe siècle était la maison de retraite de l’empereur Dioclétien. Toutefois, ce monument, l’un des mieux préservés de l’architecture romaine, ressemble davantage à une ville qu’à un palais, avec son labyrinthe de rues où chaque tournant dévoile un restaurant, un magasin ou un bar.
Mais pour les passionnés de Game of Thrones (Le Trône de fer en V.F.) cette salle caverneuse dans les bas-fonds du palais, c’est le repaire de Daenerys. D’ailleurs, qui sait ? Sous les hauts plafonds voûtés et derrière les colonnes de calcaire blanc, des dragons se cachent peut-être encore dans l’ombre…
Je suis au beau milieu d’une visite autoguidée sur le thème de Game of Thrones, la série télé à succès racontant la guerre que se livrent neuf familles pour le contrôle du Trône et du continent de Westeros. Certains secteurs de Split et de Dubrovnik ont servi de décor à ce monde fantastique.
Donjons et dragons
Il me reste un site à visiter à Meer… euh, je veux dire Split. Un trajet de 20 minutes vers le nord me conduit à la forteresse de Klis, témoin de nombreuses batailles sanglantes au cours des siècles et symbole de la résistance des peuples de la côte dalmate contre les Ottomans. Dès que j’aperçois, au sommet d’une colline, cette place forte en pierre, je suis transporté dans la ville de Meereen qui surplombe la baie des Dragons, dans Game of Thrones.
Je descends de voiture et commence à gravir les marches. Haletant, je reprends mon souffle le temps de crier «Je répondrai à l’injustice par la justice!», comme Daenerys conquérant la cité. En bas, un groupe de partisans m’acclame.
Mais quand j’ouvre les yeux, il n’y a qu’une poignée de touristes qui me regardent d’un air perplexe.
Sur la route panoramique qui conduit à Dubrovnik, je m’arrête dans les jardins du Donjon Rouge. Les maniaques de la réalité appellent cet endroit «arboretum de Trsteno» et disent que c’est l’un des plus vieux en son genre dans cette partie de l’Europe. Pourtant, en me promenant dans les jardins verdoyants qui dominent la mer, je remarque deux personnes assises dans un pavillon. Serait‐ce lady Olenna et lord Varys discutant du destin de Sansa?
Non, ce n’est qu’un couple qui admire l’étendue scintillante de la mer Adriatique. Avec un soupir, je retourne à la voiture.
Rois et reines
Nous arrivons à Port Réal ou, comme on l’appelle dans la vraie vie, Dubrovnik. J’atteins l’élégant Escalier des Jésuites, que la plupart des gens empruntent pour passer de l’intime square Gundulic à l’église Saint-Ignace-de-Loyola, construite au XVIIIe siècle. Dans Game of Thrones, c’est ici que passe la reine Cersei durant sa marche de la honte.
Debout en bas de l’escalier, j’attends un moment qu’une reine émerge et descende les marches de pierre vers moi… Bon. Un autre jour, peut-être?
Je me dirige ensuite vers le fort Lovrijenac, à l’extérieur des murs de la ville. Perchée sur son promontoire, cette forteresse du XVIe siècle devait protéger Dubrovnik des envahisseurs venus de la mer. D’ici, la vue sur Port Réal est spectaculaire. Soudain, un bruit de chocs métalliques attire mon attention. S’agirait-il de l’incroyable duel à l’épée pour l’honneur du roi Joffrey ? Je scrute la cour de pierre dans l’espoir de voir la Montagne affronter Oberyn. Hélas, rien de tout cela.
C’est alors que j’ai cliqué : je connais le meilleur endroit pour m’immerger dans l’univers de Game of Thrones. Une demi-heure plus tard, un bateau me laisse sur l’île Lokrum, qui devient la ville de Qarth dans la série. Cette île inhabitée est riche d’une histoire fantastique, incluant une légende populaire qui parle de la malédiction des moines bénédictins. Mais je suis ici pour une tout autre raison.
J’entre dans un petit musée, puis je le vois. Construit d’épées, le Trône de fer est là et se présente à moi dans toute sa gloire.
Je m’y assois bien droit, comme il sied à un roi. Et pour un instant, je règne sur Port Réal et sur ma cour, constituée de moi-même, de mon imagination et des fantômes de Game of Thrones.