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S’immerger dans l’étreinte enchanteresse de l’hiver à Québec n’est pas seulement un crochet sur une liste d’endroits à voir. C’est un véritable voyage dans un monde où les paysages gelés prennent vie, alors que la ville se transforme en un paradis hivernal. Elle invite les âmes aventureuses à sortir de leur zone de confort et à se lancer dans une quête pour créer des souvenirs de voyage qui marqueront les esprits.
Ici, la neige recouvre les rues pavées et la magie de l’hiver se dévoile de manière spectaculaire. Repoussez les limites de votre zone de confort pour explorer les innombrables facettes de cette saison enchantée, habillez-vous chaudement et embrassez la véritable essence de la nordicité du Québec.
Escalade sur glace
« En escalade de glace, il n’y a qu’une règle qui compte : ne pas tomber! » C’est mon instructeur, François Lemieux, qui me donne ce conseil…un peu évident. C’est bien beau, mais ce n’est pas le genre de chose qu’on aime entendre quand on est suspendue à une cascade de glace, à 30 mètres au-dessus du sol.
Nous sommes au parc de la Chute-Montmorency, sur une paroi dominée par la chute en question. Avec ses 83 mètres de hauteur, celle-ci dépasse de 30 mètres les chutes du Niagara, comme on aime bien le rappeler ici. Et avec raison, puisque cette merveille de la nature est l’un des incontournables du coin. À tel point que la ville de Québec aimerait que vous visitiez la chute non seulement l’été, mais l’hiver aussi, quand le froid glacial parvient à la figer.
Pourquoi se donner cette peine? Parce que Québec ne se contente pas de survivre à l’hiver : elle l’aime, le fête et s’amuse avec lui. Le fleuve gèle : traversons-le en canot. La neige tombe : sortons les skis. Les chutes se congèlent? Escaladons-les!
Voilà justement où j’en suis, en train de grimper la chute glissante, chaussée de bottes à crampons acérés, un piolet dans chaque main, quand François me crie nonchalamment : «Surtout, ne tombe pas!»
Ses mots prennent du temps à se rendre jusqu’à moi dans l’air glacial de février (il fait -22 °C), à se frayer un chemin sous mon casque orange et ma tuque pour atteindre mes oreilles. Mais une fois que je les ai entendus, ils restent gravés dans ma tête.
Après trois essais ratés, je parviens enfin à planter mon piolet dans la glace. Je me décolle un peu de la paroi et je grimpe, plongeant mes crampons dans le mur glacé. Puis, je dégage le piolet de gauche, m’élance, et le plante un peu plus haut. Les pieds suivent à nouveau et je m’élève encore, un peu plus gracieusement cette fois-ci. L’excitation me gagne. Je m’arrête un instant pour admirer le paysage.
Aussi loin que porte mon regard, le monde est recouvert de blanc, ponctué d’arbres étonnamment fournis, tandis qu’à ma droite gronde une chute en furie que même le puissant hiver canadien n’a pas réussi à geler.
Pour un instant, j’oublie que j’ai le vertige, que je ne peux plus sentir mes doigts ni mes orteils, et que je me tiens agrippée à un glaçon géant. Même le bruit assourdissant de la chute semble étouffé par le silence de toute cette beauté qui m’entoure. Je m’imprègne de ce moment figé dans le temps. Ce doit être pour ça que Québec aime tant l’hiver.
Carnaval de Québec


Dans le hall bondé du Hilton de Québec, j’ai rendez-vous avec Mitémo Chevalier, mon guide pour le Carnaval de Québec. Je ne le connais pas encore, mais il est facile à repérer : il porte une tuque rouge allongée et une ceinture-écharpe colorée autour de la taille. Une canne en plastique rouge à la main, il se pavane avec un aplomb qui rendrait un paon jaloux. J’ai l’impression de voir Bonhomme, l’ambassadeur du Carnaval, dont le costume de bonhomme de neige aurait fondu.
Une fois les présentations faites, Mitémo et moi partons à pied visiter le Carnaval. Il s’agit tout de même du plus grand festival d’hiver au monde, avec 200 activités réparties dans toute la ville de Québec et plus de 500 000 visiteurs chaque année. Et tous les stéréotypes canadiens s’y donnent rendez-vous.
Bière, sirop d’érable, bûcherons, canots : faites votre choix. Québec les a tous réunis pour organiser sa grande fête hivernale. La ville joue à fond le jeu du cliché… et elle s’amuse, en plus!
Le monde entier pense que les Canadiens adorent la bière? Alors, jouons aux quilles avec des billots de bois et des barils de bière. Nous ne pouvons pas vivre sans sirop d’érable? Regardez-nous bien tenir des cruchons de sirop à bout de bras le plus longtemps possible. Nous voyageons partout en canot ? Bien sûr! Tenez ces cruchons un moment, le temps que nous poussions nos canots sur la neige et la glace, avant de traverser le fleuve en plein embâcle…
Et puisque le monde est convaincu que nous sommes tous plus ou moins bûcherons, alors organisons un concours de lancer de haches. Même à moi, qui suis beaucoup plus à l’aise avec un stylo, on m’en met une dans la main… Si vous voulez mon avis, Québec est une ville qui n’a peur de rien! Je lance ma hache vers une petite planche de bois que je rate complètement, encore et encore, déshonorant à chaque essai mes supposés ancêtres bûcherons.
Prochaine étape : l’orignal mécanique. À cheval dessus, il me paraît d’abord étrangement lent, mais il s’agite soudain, et après quelques secondes à crier en m’agrippant à sa fourrure synthétique, je suis éjectée aussi maladroitement que j’y étais montée.
Après un brin de curling et une course de chaises à skis, nous entrons dans une cabane de bois pour boire un coup de caribou chaud. Voilà des décennies que Québec se réchauffe au moyen de ce mélange sucré de vin rouge, de sirop d’érable et de spiritueux (le plus souvent du whisky). On le sert dans des cannes en plastique rouge dont le pommeau est en forme de tête de Bonhomme. Accessoirement, ces cannes peuvent aider ceux qui ont bu un peu trop de caribou à marcher droit.
Mitémo connaît des tonnes d’histoires issues du folklore, et je les écoute avec passion à mesure qu’elles émergent de ses lèvres rougies par le caribou. Connaissez-vous Jos Montferrand ? La légende de ce bûcheron canadien-français du XIXe siècle convient parfaitement au Carnaval. Ce géant de 6 pieds 4 pouces arpentait la vallée de l’Outaouais, laissant derrière lui des histoires inspirées de sa force légendaire. Il aurait par exemple soulevé une charrue d’une seule main, et laissé l’empreinte de sa botte au plafond de nombreuses tavernes du Québec en exécutant sa célèbre pirouette arrière.
Tandis que j’écoute Mitémo me parler sur fond de musique folklorique, je réalise que le Carnaval n’est pas « juste » un festival. En fait, cet événement ressemble étrangement au caribou : c’est un cocktail enivrant de fierté, d’histoire et d’humour que la ville de Québec nous sert dans un grand verre givré sous le nom de Carnaval.
«L’hiver fait partie de notre ADN, déclare Mitémo, tout comme notre culture et notre passé. Alors, pourquoi ne pas le célébrer?»
Hôtel de Glace


Aujourd’hui, je visite l’une des plus belles choses qu’a réalisées Québec avec l’hiver : l’Hôtel de Glace.
Cet hôtel ne déboulonnera certainement pas le mythe selon lequel les Canadiens habitent des iglous. Mais ce n’est pas ce qu’on cherche. Puisque le monde aime bien le croire, Québec a construit le plus grand iglou au monde, une merveille architecturale faite de 35 000 tonnes de neige, de 500 tonnes de glace et de beaucoup de fantaisie.
Je ne m’en cache pas : l’idée de passer une nuit ici me rend nerveuse. Malgré ma nature canadienne, j’ai froid rapidement. Et pas question de prendre ce séjour à la légère : il y a des règles à suivre, des guides à respecter, et même une vidéo éducative à regarder.
Dans ce petit film de cinq minutes, une dame à l’Hôtel de Glace me montre ce que je dois apporter, comment je dois me vêtir, les différentes positions pour bien placer mes bottes (il y en a cinq!) et la bonne façon de dormir dans un sac de couchage (apparemment, j’ai mal campé toute ma vie…).
Aussitôt la vidéo terminée, j’ai des questions… beaucoup de questions. Mais où se trouve la télé dans la chambre? Et la porte? Et la salle de bain? Une charmante guide qui parle français avec un fort accent australien a réponse à tout. Il n’y a pas de télé. Pas de porte (juste un rideau). Pas de salle de bain (seulement des toilettes chimiques à l’extérieur). D’accord…
Puis, c’est l’heure d’entrer à l’Hôtel de Glace. Je passe les portes majestueuses et pénètre sous un chapiteau : un trapéziste de glace est figé à mi-chemin du plafond. Un magicien au chapeau pointu m’observe de derrière un rideau de neige. Un clown hilare, en chapeau de joker, semble émerger du mur tout blanc. Chaque année, l’Hôtel de Glace est entièrement reconstruit selon un concept amusant : cette année, c’est le cirque.
Je me sens comme Alice tombée dans le terrier d’hiver du lapin; je suis arrivée dans un monde habité de personnages incroyables qui n’ont rien à envier au chapelier fou.
Direction : le bar. Le craquement incessant de la neige sous mes bottes me donne l’impression de marcher dans un bol de Rice Krispies. Je commande un « Accident de Ski-Doo », cocktail qu’on me sert décoré d’une brindille d’arbre — celui qu’on a frappé dans l’accident? Je m’attarde près du foyer, me demandant s’il finira par faire fondre l’hôtel, puis j’essaie la glissoire de glace, et enfin, comme je tombe de sommeil, je me dirige vers ma chambre.
Il fait complètement noir. Je tâtonne pour trouver l’interrupteur sur mon lit. La pièce ne contient qu’un matelas sur une base en glace ainsi qu’une table de chevet, en glace elle aussi. Et pourtant, elle ne semble pas vide : le silence remplit la pièce caverneuse comme un meuble trop grand.
Je défais mon sac de couchage, muni d’une quantité ahurissante de cordons, et place mes bottes dans la position no 3 selon la vidéo. Je me glisse dans le duvet, cherche les cordons et les serre comme je peux, puis remonte la glissière. Ma tête et mon visage me semblent dangereusement exposés au froid. Je rentre plus profondément, mais le froid me suit… La nuit sera longue!
Soudain, je me souviens que dans la vidéo, on m’avait conseillé de me réchauffer avant de me coucher. Mais oui : le spa!
Je sors dans la nuit froide et je cours pieds nus sur la neige jusqu’au spa, et je me glisse dans l’eau chaude. Le dégel est immédiat. L’hôtel est entouré de tourbillons de blancheur, comme si nous étions dans une boule à neige. Des nuages de vapeur montent dans le ciel nocturne, puis s’évanouissent, et soudain, tout m’apparaît sous un jour différent.
Le mois prochain, cet hôtel ne sera plus là. Les cascades de glace auront disparu, elles aussi, tout comme le Carnaval. Et pourtant, rien de tout cela n’aurait existé sans l’hiver, saison de moments furtifs qu’il faut saisir à tout prix. Québec l’a bien compris, et c’est pour cela qu’elle s’entête à célébrer l’hiver. Et si je parviens à oublier le froid sur mon visage et ces images de piolets et de lit sur la glace, alors je le pourrai, moi aussi.
Je me laisse couler un peu plus profondément dans le spa. Ce n’est pas que je crains d’aller me coucher, mais plutôt que je veux vivre pleinement ce moment unique.